Les grandes époques (1)

Le savoir et les oublis.

Pascal 1623-1666 Philosphe français.

On apprend généralement que l'histoire est la science du passé. Elle relate, en effet, la vie des sociétés, "raconte, explique leur naissance, leur développement et leur ruine".

C'est la un programme considérable dont l'immensité déconcerterait le meilleur des maitres, car l'histoire, ainsi conçue, n'est pas seulement la relation d'événements politiques bien enchainés chronologiquement, c'est le déroulement de la vie universelle, du progrès, de la civilisation, des idées. Et malgré moi, je me rappelle ce mot d'un désabusé: La vie est vraiment trop courte pour y apprendre tant d'histoires.

Il n'en n'est pas moins vrai que le monde, toujours exigeant, et sans indulgence pour les ignorants. Ce qui ne veut pas dire qu'il faille tout savoir pour passer le seuil d'un salon et qu'on ne se trouve, dans les relations mondaines, qu'en présence des Pic de la Mirandole, des Pascal ou des Diderots. Non, les vrais savants sont au contraire ce qui manque le plus. Mais les gens qui se respectent doivent être munis d'un certain nombre d'idées et de connaissances qui guident dans cet échange incessant d'impressions et de pensées qu'est la conversation.

L'ignorant n'est pas si haîssable parce qu'on constate qu'il n'a rien qppris que parce qu'on a sans cesse à souffrir de ses prétentions au savoir. Dès que son esprit a, par hasard, "fait une acquisition", il pense avoir découvert une Amérique nouvelle. C'est, en effet, le moins modeste des hommes et celui, pourtant, qui trouverait le plus de mérite à l'être.

Il est des événements, des particularités de la vie des peuples, de celle des sociétés, des êtres, que tout le monde a parfaitement le droit d'ignorer. L'existence présente est très chargée, et, pour beaucoup la journée de douze heures suffit à peine pour les soucis actuels. D'autre part, l'esprit humain est limité, la mémoire devient paresseuse dès qu'on a cessé de l'exercer, l'imagination est instable et fantaisiste. D'où il suit que nous avons toutes les peines du monde à nous créer une discipline intellectuelle.

La plupart du temps, nous nous reposons sur l'acquis.

C'est-à-dire que nous honorons d'une trop belle confiance le savoir qui vient de l'école. La pensée que chaque instant nous enlève quelque chose de ce que nous avons appris nous trouble peu. Si nous nous prenons à regretter des oublis, à constater des ignorances honteuses à propos de notions plus actuelles et, pas conséquent, estimées plus nécessaires, ont remplacés celles-là.

Quoique cet ouvrage ne soit pas destiné à suppléer, en quoi que ce soit, aux bons livres d'enseignement où des esprits méthodiques et sérieux ont reccueillis par fragments, l'histoire et la science humaine, il m'a paru opportun et presque indispensable de noter une serie d'observations et de renseignements précieux et précis touchant le développement des idées dans le monde, la contribution décisive que certains peuples, certains hommes, certaines époques ont apportés à l'histoire de la civilisation.

Cette partie du volume ne sera nécessairement qu'abrégée, mais on y trouvera sans doute des indications suffisantespour prendre goût à l'étude de certains moments de notre histoire universelle qui, je le répète, n'est pas seulement la relation un peu obscure, selon des apparences chronologiques, de l'existence des peuples et des nations, mais un état fidèle et raisonné du développement de l'esprit humain sous tous ses aspects.